02 - Aiguillon - un hôpital auxiliaire temporaire


 

Des militaires Républicains espagnols blessés ou malades hospitalisés à Aiguillon

Le 26 janvier 1939, les franquistes pénètrent dans Barcelone. Avant que la Catalogne ne soit totalement sous le contrôle des troupes de Franco assistées des Allemands et des Italiens, un peu moins de 500 000 Catalans et Espagnols se précipitent vers la frontière française. Si les militaires et les hommes valides sont bloqués sur les cols des Pyrénées orientales jusqu’au 6 février au matin, environ 200 000 femmes, enfants, vieillards et blessés, eux, sont autorisés à entrer sur le territoire Français.

Cette marée humaine doit être dispersée sur 70 départements. Faute d’avoir voulu la prévoir, les lieux d’accueil proposés par les autorités sont aussi divers que variés : colonies de vacances, châteaux, entrepôts, usines abandonnées, bâtiments civils et militaires désaffectés, tout est bon pour héberger ce peuple en déshérence.

Le problème posé par l’hébergement et les soins à prodiguer aux blessés est autrement plus complexe à résoudre. Il s’agit de trouver un lieu plus ou moins adapté pour établir un « hôpital de campagne ».  En plus du local, il faut mobiliser des ressources humaines et matérielles pour permettre  l’administration des soins.

En ce qui concerne la réception des blessés et des malades par le Lot-et-Garonne, et malgré les recherches de nos adhérents dans les Archives Départementales, seuls un arrêté préfectoral concernant la création d’un hôpital temporaire à Aiguillon et une liste nominative d’une centaine de personnes qui sont passés par cet hôpital ont pu être retrouvés. Hors les départements limitrophes de la frontière espagnole, un gros travail de recherche historique reste encore à mener dans le domaine du traitement des blessés dans le reste de la France. Les Archives Nationales sont explicites à ce sujet quand elles déclarent : « […] il est très difficile d'effectuer une recherche quand on ne connaît pas le lieu d'internement des personnes recherchées ; il n'existe pas, à ce jour, de base de dépouillement de ces pièces. […] En effet, les documents administratifs ne peuvent rendre compte des vicissitudes des réfugiés espagnols et des destinées individuelles qui en résultent : nombreux déplacements sur le territoire français, changements de tutelle administrative, incorporations dans des CTE ou GTE pour les hommes, embauches pour d'autres, transferts dans des structures hospitalières pour les blessés et malades, etc. […] »

L’arrêté du préfet du Lot-et-Garonne, en date du 13 février 1939, décrit les conditions dans lesquelles il a été pris. Dès le 28 janvier, l’arrivée massive de blessés et de malades sur la côte méditerranéenne, met l’administration dans l’impossibilité de les traiter dans les structures hospitalières existantes. Ce jour-là, le Ministère de l’Intérieur télégraphie à toutes les préfectures une note leur demandant de se mobiliser. Un deuxième message, issu de la même source , est émis le 4 février. L’idée retenue, en Lot-et-Garonne, consiste à mettre à disposition des bâtiments laissés vacants. Le Ministère de la Santé en remet une couche dans la foulée.

L’arrêté du préfet Jean Cumenge, décline en 6 articles le but et les moyens pour mener à bien une telle entreprise :

1.       Un hôpital temporaire auxiliaire portant le n° 1 est institué à Aiguillon, dans les anciennes usines Berthy, à l’époque bâtiment communal, implantées dans la rue de la République. la municipalité ne recevra aucune rétribution locative. Sa fonction est limitée à l’hébergement et aux soins à destination des blessés militaires espagnols évacués vers le département.

2.       Cet hôpital est dimensionné pour 100 lits.

3.       La direction de l’hôpital est confiée à une infirmière hospitalière diplômé d’Etat. La gestion est assurée par un régisseur comptable.

4.       Deux médecins généralistes aiguillonnais sont requis pour intervenir à la demande, de même pour un chirurgien et un ophtalmologiste, agenais tous les deux. L’autorité militaire met à disposition un médecin résident. Une réfugiée espagnole est désignée comme interprète.

5.       Le nombre de repas pour chaque patient et membre du personnel est fixé à 3 par jour, fournis par une hôtelière d’Aiguillon. Le mode de rétribution salarial du personnel chargé du fonctionnement est lui aussi défini.

6.       Le Maire d’Aiguillon et le Secrétaire général de la préfecture sont chargés de la mise en oeuvre du dispositif.

Cet hôpital fonctionne pendant quelque temps, jusqu’à ce que son utilité ne soit plus nécessaire. Le profil des blessés et des malades espagnols reflète la diversité des combattants de la IIe République espagnole. Il y a des cultivateurs, des ouvriers d’usine, des maçons, des coiffeurs, des chauffeurs, des menuisiers, des commerçants, des employés… toute la diversité d’un peuple engagé pour défendre la démocratie. Ils sont originaires de toutes les provinces espagnoles, il y a au moins 2 polonais, sans doute d’anciens Brigadistes internationaux. Ce sont essentiellement des combattants nés entre 1900 et 1920, même si l’on en trouve qui déclarent être nés en 1885 ou en 1922, ils sont soit célibataires soit mariés.

Le samedi 16 avril 2016 à 15 heures, une plaque à la mémoire de ces Républicains espagnols a été dévoilée. Désormais, le jardin public où se trouvait l’hôpital porte le nom de « Square De La République Espagnole ».

Qu’en est-il de la situation des militaires espagnols, blessées ou malades, dans d’autres régions françaises ?

Des navires-hôpitaux

En moins de trois semaines, le département des Pyrénées-Orientales voit le nombre de ses habitants très largement dépassé par celui des Espagnols arrivés sur son territoire. Parmi les réfugiés, bien entendu, il y a tous les soldats atteints dans leur intégrité physique, à divers degrés, par les durs combats qu’ils ont livrés contre les franquistes et leurs acolytes.

Pour répondre à l’urgence, le gouvernement français réquisitionne deux paquebots de la compagnie Paquet. Les navires sont transformés en navires-hôpitaux. Le premier, le Maréchal-Lyautey vient juste de revenir du Maroc. Le second, l’Asni, est désarmé depuis le mois de janvier 1938. Tous les deux sont amarrés à Port-Vendres. Après un tri préliminaire, les blessés et les malades sont pris en charge à bord de ces bateaux. Les cabines ne sont pas assez nombreuses pour accueillir tous les Espagnols. Alors les salles à manger sont transformées en dortoirs. Les salons deviennent des blocs opératoires.  Des nurseries sont créées dans les salles encore libres. Les blessés légers et les convalescents sont allongés sur des lits de camps, dans les entreponts.

Les affections sont nombreuses. Mais l’épuisement, les hémorragies, la gangrène souvent ne pardonnent pas. La mort rôde ! Pour isoler les cadavres, l’entrepont frigorifique du Maréchal-Lyautey devient une morgue. Les corps de ces malheureux échouent dans une fosse commune dans le cimetière de Port-Vendres.

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